• Pascal Champvert, président de l'association des directeurs au service des personnes âgées, était l'invité de franceinfo vendredi pour évoquer l'épidémie de grippe saisonnière qui touche particulièrement l'Ile-de-France. 

    Selon le dernier bulletin hebdomadaire de l'organisme Santé publique France, la région Ile-de-France a atteint le seuil épidémique et huit autres régions sont au stade pré-épidémique concernant la grippe saisonnière. Pour Pascal Champvert, président de l'association des directeurs au service des personnes âgées, invitées de franceinfo vendredi 15 décembre, "la situation n'est absolument pas sous contrôle". "La grippe de l'an dernier, c'est quatre fois plus de décès que les accidents de la route. Ce n'est pas acceptable", a-t-il ajouté.

    Pour lui, l'État, qui a "une grande responsabilité sur ce sujet", doit "informer loyalement les Français et les Françaises" sur la qualité des vaccins, pour répondre à l'hésitation de nombreux patients à aller se faire vacciner.

    franceinfo : quelles mesures sont prises dans les Ehpad pour faire face à cette épidémie ? Y a-t-il un protocole précis ?

    Pascal Champvert : D'abord, la grippe concerne toutes les personnes âgées, en établissement et à domicile. Les années précédentes, plus de personnes sont décédées à domicile qu'en établissement, notamment parce qu'elles ne vont pas suffisamment voir le médecin quand elles ressentent les premiers signaux, et ne se font pas soigner suffisamment vite. La première chose à faire est de rappeler aux personnes qu'il faut consulter très vite un médecin. Le premier protocole est donc d'expliquer. Ensuite, quand il y a des personnes qui ont des syndromes grippaux, il faut faire en sorte qu'elles soient isolées et qu'elles aient le moins de contact possible avec les autres. Quand ce sont des salariés, il faut qu'ils restent chez eux et surtout pas qu'ils aillent travailler. Et puis, nous attendons aussi un soutien des pouvoirs publics dans cette période. Il faut, en période de crise, augmenter les professionnels et pouvoir remplacer les salariés eux-mêmes malades. L'an dernier nous avons obtenu des crédits supplémentaires en urgence. Nous les redemandons cette année mais il faudra à terme augmenter le nombre de professionnels à domicile et en établissement.

    Les personnes âgées, dans les Ehpad ou à domicile, sont-elles réfractaires à la vaccination ? Le personnel est-il difficile à convaincre ?

    Oui, on constate que beaucoup de personnes hésitent devant la vaccination. Il faut plus d'information si on veut que les Français choisissent la vaccination. C'est manifestement ce que souhaitent les pouvoirs publics. Il faut informer en toute clarté, en toute transparence. Si une année, le vaccin n'est pas très efficace, il vaut mieux le dire. Parce que si l'année suivante il est plus efficace, peut-être que plus de personnes iront se faire vacciner. Et cela, plutôt que de faire croire qu'il l'est tout le temps, et de laisser prospérer des informations comme quoi il ne le serait pas, ce qui ajoute de la confusion à la confusion. En matière de choix vaccinal, il faut respecter le choix des Français, en particulier celui des personnes âgées. Le personnel est aussi difficile à convaincre. C'est pour cela que l'État a une grande responsabilité sur le sujet. L'État n'est pas très au clair : il dit qu'il faut se vacciner mais refuse de rendre la vaccination obligatoire. Ce qui montre qu'il y a quelques hésitations. Dès lors que la logique est volontaire, il faut dans une démocratie informer loyalement les Françaises et les Français.

    Est-il possible aujourd'hui d'éviter ce grand nombre de décès à cause de la grippe ?

     

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    Bien sûr qu'on peut éviter ces décès. Cette crise, comme les crises de la canicule l'été, montre le retard de notre pays en matière d'aide aux personnes âgées. Il faut beaucoup plus de professionnels dans les établissements pour mieux accompagner au quotidien les personnes âgées. Il y a une telle incapacité des pouvoirs publics à répondre aux réels défis, qu'on ne parle de ces situations que quand on est en période de crise. Cela ne suffit pas. Les canicules l'été et les grippes l'hiver ne peuvent pas continuer à tuer des dizaines de milliers de personnes. La grippe de l'an dernier, c'est quatre fois plus de décès que les accidents de la route. Ce n'est pas acceptable. La situation n'est absolument pas sous contrôle. Elle le sera le jour où l'État comprendra qu'il faut mieux accompagner nos aînés pour éviter qu'ils ne meurent dans de telles situations inacceptables. Aussi, qu'il y ait un discours de transparence et de vérité sur ces vaccins.

     


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  • "Ca suffit !" : la grosse colère de Dominique de Villepin contre Donald Trump

     

    L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a appelé vendredi les dirigeants européens à marquer "plus collectivement un coup d'arrêt" à la politique "déstabilisante" de Donald Trump, après la reconnaissance unilatérale du président américain de Jérusalem comme capitale d'Israël.

     

    L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin a appelé vendredi les dirigeants européens à marquer "plus collectivement un coup d'arrêt" à la politique "déstabilisante" de Donald Trump, après la reconnaissance unilatérale du président américain de Jérusalem comme capitale d'Israël.

    Interrogé sur BFMTV-RMC, M. de Villepin a souligné "la grande difficulté" pour la communauté internationale de trouver "la bonne réponse" face à Donald Trump: "peut-on se contenter de simples déclarations ? (...) Face à la menace d'instabilité que représente l'administration Trump pour le monde -on le voit en Corée du Nord, on le voit au Moyen-Orient, on le voit en matière de libre-échange, on le voit pour le climat-, est-ce qu'il ne faut pas marquer plus collectivement et plus fortement un coup d'arrêt ? Ça suffit !", a-t-il dit.

    "Est-ce qu'il faut se contenter de dire aux Américains comme certains le préconisaient en 2003 +ce n'est pas bien ce que vous faites+ ou est-ce qu'il faut se mobiliser diplomatiquement pour lui faire comprendre qu'il y aura un coût à tout ça et qu'il se retrouvera isolé sur la scène internationale ?", s'est-il demandé en référence à l'invasion américaine en Irak qu'il avait dénoncée à la tribune des Nations unies en février 2003.

    "Ce que je crains pour être tout à fait franc (...) c'est la contagion de l'instabilité. La contagion de décisions qui, de fil en aiguille, peuvent conduire à un engrenage guerrier", a-t-il poursuivi.

    Dominique de Villepin a exposé sa vision de la politique étrangère dans "Mémoire de paix pour temps de guerre", publié en 2016, ouvrage dans lequel il plaidait pour un multilatéralisme. Il estime qu'il faut aujourd'hui que "les dirigeants européens, avec toutes les bonnes volontés (...) marquent peut être plus fortement le risque que fait courir à la société internationale la décision américaine".

    L'ex-ministre des Affaires étrangères s'en prend également au royaume wahhabite "qui multiplie les fronts". "Est-ce que cette attitude qui encourage l'instabilité n'est pas contagieuse, y compris pour l'Arabie saoudite qui, sur le Liban, sur le Yémen, multiplie les initiatives qui, le moins qu'on puisse dire, ne contribuent pas à faciliter les choses ?", demande-t-il.

     


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  • Avec l'abrogation du principe de la neutralité du Net, décidée jeudi aux États-Unis, les Américains s'interrogent sur le futur d'Internet.

    Le régulateur américain des communications a enterré, jeudi 14 décembre, le principe de neutralité du Net. Cette décision attise les craintes d'un "Internet à deux vitesses", où l'opérateur Comcast pourrait par exemple faire payer plus les abonnés Netflix qui voudraient des conditions de streaming optimales. Mais ce n'est pas tout. La fin de la Net neutrality pourrait avoir des conséquences inattendues dans des secteurs actuellement en plein boom.

    Les voitures autonomes

    Elon Musk affirme que les voitures sans chauffeur commenceront à devenir la norme dans dix ans. Ces véhicules embarqueront à leur bord des ordinateurs technologiquement très avancés qui seront de près ou de loin reliés au réseau Internet.

    L'avantage est évident : les véhicules Tesla peuvent télécharger des mises à jours logicielles lorsqu'ils sont connectés au Wi-Fi, ce qui évite d'avoir à aller chez un concessionnaire pour des rappels. C'est à la fois un gain de temps et d'argent pour les propriétaires, et ce principe devrait s'étendre avec la modernisation du parc automobile.

    Mais imaginons par exemple que le fournisseur d'accès à Internet (FAI) de votre domicile souhaite se faire un peu d'argent supplémentaire sur votre dos – en partant du principe que vous avez les moyens puisque vous vous êtes payé une voiture autonome, disons une Tesla. Il pourrait vous facturer des frais pour accéder au réseau Tesla qui diffuse les correctifs des logiciels embarqués. En mode : "Oh, vous voulez que votre Model S soit en mesure de faire des mises à jour régulières ? Ça fera 20 dollars en plus sur votre abonnement mensuel."

    En outre, les voitures autonomes ne seront probablement pas connectées en permanence à Internet, notamment pour des questions de sécurité. Et il est difficile de prédire quelles fonctionnalités seront standard. Mais la fin de la neutralité du Net va donner aux FAI la possibilité de contrôler la manière dont nos voitures se connecteront à Internet.

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    L'Internet des objets

    Il y a toujours plus d'objets connectés. Tout ou presque peut être relié à Interne, on appelle ça l'Internet des objets, ou Internet of Things (IoT). Des serrures aux sextoys, les fabricants se dépêchent de faire en sorte que chaque fichu objet sur cette planète soit connecté.

    Et nombreux sont les consommateurs à se ruer sur ces gadjets, et à apprécier les utiliser. Vous avez le droit d'en faire partie et appréciez la facilité avec laquelle ces objets mettent Internet à portée de main ? C'est votre droit. Mais que faire si cela devient compliqué de les relier au Web ?

    Les "gros", comme Netflix, ont les reins solides et pourraient passer un accord avec les opérateurs pour que leurs services soient en accès rapide. Mais ce ne sera peut-être pas le cas du fabricant de votre cafetière connectée. La fin de la neutralité du Net pourrait créer des priorités ddans le trafic de l'IoT. En d'autres termes, votre maison connectée (smart home) pourrait devenir un peu lente.

     

    La santé

    L'abrogation de la neutralité du Net pourrait aussi nuire à la santé des Américains. Le monde médical s'est de plus en plus appuyé ces derniers temps sur l'Internet libre et ouvert.

    Les dossier médicaux sont souvent stockés dans le cloud, et un accès rapide et fiable à ces données est vital pour soigner efficacement les patients. Qui plus est, la télémédecine – le fait de soigner ou d'opérer à distance, via Internet – nécessite de grosses bandes passantes. Qu'il s'agit d'analyser les radios ou scanners de patients, ou d'un malade dans une zone rurale qui consulte un médecin à distance, il faut un réseau efficace.

    Les hôpitaux américains seront-ils en mesure de payer un peu de bande passante face aux Facebook de ce monde ? On devrait bientôt le savoir.

     

    Les cryptomonnaies

    Le bitcoin et toutes les autres monnaies alternatives sont de grosses entreprises. D'énormes entreprises. Cet argent est acheté, vendu et échangé sur des bourses en ligne comme Coinbase. Les gens dépendent de l'accès à ces échanges pour gérer leur cryptomonnaie, et toute restriction de cet accès pourrait avoit d'énormes implications financières et structurelles.

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    Sans neutralité du Net pour les contraindre, les FAI pourraient théoriquement limiter l'accès à des éhcnages qui ne leur conviennent pas. Si ceux qui investissent dans les cryptomonnaies trouveront certainement le moyen de contourner le problème (des proxys par exemple), l'internaute ordinaire n'aura peut-être ni les compétences ni la patience de le faire.

    Tout cela pourrait avoir un impact sur le prix de certaines crypto-monnaies. Si la plateforme d'échange de votre monnaie alternative n'est pas en odeur de sainte chez Verizon, le volume des échanges et la valeur de la monnaie pourraient diminuer en conséquence.

     

    Et maintenant ?

    Il est encore trop tôt pour savoir quelles seront les implications réelles de l'abrogation de la neutralité du Net. Mais elles ne devraient pas plaire à tout le monde, et c'est un euphémisme, notamment les classes les plus pauvres qui risquent d'être marginalisées à cause d'un nouveau fossé numérique.

     


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  • Le gouvernement a annoncé vouloir céder pour dix milliards d'euros de participations de l'Etat, y compris dans des entreprises stratégiques. Ludovic Greiling analyse les facteurs de la désindustrialisation de la France.

    figarofr: Alstom est un cas exemplaire de la guerre industrielle. 

    Ludovic Greiling est journaliste. Ancien collaborateur du Revenu français, spécialisé dans l'économie et les grandes entreprises, il travaille aujourd'hui pour différents journaux français et internationaux. Il est l'auteur de Monnaie et pouvoir (éd. Apopsix, 2015).

    «Mauvaise gestion», «charges trop élevées», «concurrence internationale»… Il est commun d'invoquer ces facteurs pour expliquer la désindustrialisation brutale que le pays a connue ces quarante dernières années. En revanche, la guerre industrielle féroce à laquelle se livrent les puissances pour contrôler le capital des entreprises concurrentes n'est jamais évoquée. Cette guerre explique pourtant les difficultés de nos compagnies de pointe et la perte progressive de savoirs-faires pratiqués sur le territoire français.

    Le gouvernement l'a annoncé: il veut céder pour dix milliards d'euros de participations de l'Etat, y compris dans des entreprises stratégiques. Par exemple, des discussions sont en cours pour fusionner certaines activités entre l'italien Fincantieri - en voie de privatisation - et le bijou qu'est la Direction des constructions navales (renommé Naval group) - qui vient de remporter un contrat géant en Australie pour la construction de sous-marins. La conséquence à long terme de ce genre d'opérations? Rien de moins qu'une perte de contrôle de l'entité, suivi du transfert de brevets, de bureaux d'étude et de chaînes de montages.

    Alstom est un cas exemplaire de la guerre industrielle. Le site historique de fabrication des trains et des équipements énergétiques du groupe, à Belfort, pourrait fermer dans les prochaines années. Ces chaines de production employaient 8500 salariés au pic des années 70, contre 500 personnes aujourd'hui. «On perd tout ici, petit à petit, la recherche d'Alstom s'est envolée depuis longtemps, la technique s'en va par petits bouts…» expliquait un habitant dans la presse nationale lors de manifestations tenues l'an dernier.

    Un événement anodin dans un «monde globalisé»? Non. Car Alstom n'est pas n'importe qui. Ses turbines thermiques équipent la moitié des centrales nucléaires de la planète et un quart des barrages hydroélectriques. La compagnie est également capable de fournir l'ensemble des équipements électriques d'une usine à charbon, ou de fabriquer les trains les plus rapides au monde. Un avantage stratégique majeur qui a aiguisé des appétits.

    Attaques au capital, changement des conseils d'administration

    Fusions, scissions, ventes d'actifs: à partir de la privatisation progressive entreprise il y a vingt-cinq ans, Alstom a souffert des mouvements incessants des fonds étrangers à son capital. Par la suite, le groupe a été visé par la Commission européenne: en contrepartie d'une aide de l'Etat français en 2003, Bruxelles imposait la cession de deux de ses fleurons au bénéfice de la concurrence, les activités de turbines industrielles (à l'allemand Siemens) et la filiale spécialisée dans la conversion d'électricité (à la banque britannique Barclays, qui la vendra ensuite à l'américain General Electric). Entre 2002 et 2005, le chiffre d'affaires d'Alstom a été divisé par deux.

    Dix ans plus tard, c'est un conseil d'administration remanié par le PDG Patrick Kron et désormais dominé par des intérêts anglo-saxons qui achevait l'ancien joyau de la période gaulliste. En 2014, il annonçait contre toute attente la vente des actifs et des brevets de la très stratégique division énergie d'Alstom. Le bénéficiaire? Le concurrent américain General Electric, encore une fois. Deux mois après la reprise des activités françaises, le nouveau propriétaire annonçait la suppression de 800 emplois sur le territoire national et des rumeurs faisaient état du possible rapatriement des bureaux d'étude aux Etats-Unis.

    En ce mois d'octobre 2017, c'est la vente de la branche transports à Siemens qui est annoncée. Le démantèlement par les concurrents est presque achevé. Il aura pris vingt ans.

    Des technologies maitrisées par peu d'acteurs dans le monde

    On l'oublie trop souvent: les technologies qui permettent aujourd'hui de produire de l'électricité, d'utiliser des transports modernes ou encore de fabriquer des avions, sont maitrisées par un nombre très faible d'acteurs. La Chine et la Russie ont dû attendre la fin d'année 2016 pour annoncer le lancement prochain d'un avion civil longue ligne performant. D'ici à sa mise en exploitation, ces deux puissances seront dépendantes du bon vouloir d'Airbus et de Boeing pour réaliser l'espace eurasiatique de leurs rêves…

    La France a jadis su développer d'extraordinaires capacités techniques. Elles ont en partie donné au pays son indépendance diplomatique, économique et militaire. Elles lui ont ouvert la possibilité de discuter et d'échanger avec les pays de son choix, malgré le poids des empires soviétique et américain.

    Mais ces capacités ont aussi aiguisé les appétits des concurrents. Ces derniers ont profité d'un long passage à vide politique, et du dogme assez récent de la liberté totale de circulation des capitaux.

    Les fonds étrangers contrôlent aujourd'hui 50% du capital du CAC 40, selon la Banque de France, contre 25% il y a vingt ans. Ces derniers, le plus souvent américains (et non chinois), placent leurs hommes dans les conseils d'administration et les directions. Dans un contexte de vide politique, comment résister face à un fonds comme Blackrock, dont les encours sous gestion sont deux fois supérieurs à la capitalisation totale des quarante plus grandes valeurs françaises?

    Alstom n'est pas un cas isolé. C'est par une attaque soudaine au capital, alliée à une intense opération de propagande et au soutien du premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker (futur président de la Commission européenne), que le sidérurgiste haut de gamme Arcelor a été avalé par un acteur indien inconnu en 2006. Le nouveau groupe, lourdement endetté auprès des banques américaines suite à l'OPA, a, depuis, fermé ou cédé une partie des ses meilleures usines européennes.

    C'est grâce à leur participation dans Airbus (ex EADS) que les Allemands ont rapatrié sur leur territoire la filiale militaire de la compagnie européenne. Pourtant, ces activités sont issues en majorité de l'entreprise française Matra-Aérospatiale et du savoir-faire de la Direction générale pour l'armement.

    Transfert des brevets et des usines

    C'est en entrant au capital de Safran que les fonds germano-américains y ont placé à sa tête leur propre représentant, tandis que la direction générale est désormais pénétrée par des représentants de l'Otan. Là encore, les principales mouvances au pouvoir en France ont favorisé la braderie du spécialiste de la défense et des moteurs d'avion: Safran est issu d'une fusion forcée par Nicolas Sarkozy entre la compagnie publique Snecma et la Sagem, et l'Etat a ensuite cédé, sous François Hollande, une grande partie du capital qu'il détenait encore. L'entreprise devrait faire partie des ventes de participations voulues par Emmanuel Macron.

    La liste est longue. Péchiney, Peugeot, Schneider Electric, Véolia ou Alcatel ont subi à des degrés divers la guerre industrielle par des prises d'intérêts dans leur capital. Et le phénomène touche aujourd'hui le secteur énergétique.

    A quelques millions d'euros près, l'ex ministre Michel Sapin avait discrètement fait passer l'Etat français sous le seuil qui lui assurait une minorité de blocage dans GDF Suez, le plus gros distributeur de gaz en Europe de l'Ouest. Et le gouvernement Philippe vient d'annoncer la cession supplémentaire de 4% du capital dans une procédure accélérée. EDF risque quant à lui une «faillite», selon les syndicats du groupe, qui dénoncent «les mauvais choix industriels et économiques mis en œuvre de façon zélée par le gouvernement sous le regard de l'Europe». Spécialiste mondial incontesté de l'électricité nucléaire, un secteur maitrisé par de très rares acteurs dans le monde, EDF devrait prochainement ouvrir son capital aux fonds étrangers. Sous la pression de l'ancien banquier d'affaires Emmanuel Macron, l'ancien gouvernement avait en effet obligé la compagnie publique à accomplir un projet d'investissement de plus de 20 milliards de livres en Angleterre, un montant supérieur aux fonds propres du groupe… Pour préparer le terrain, il avait brutalement changé les statuts légaux d'EDF il y a deux ans et remanié le conseil d'administration. Cherche-t-il à lever des fonds facilement en vendant le capital d'EDF? Pas sûr, car la compagnie publique rapporte à l'Etat deux milliards d'euros par an en dividendes. Dès lors, pourquoi céder EDF?

    Difficile, quand l'on parle de guerre industrielle, de ne pas évoquer le cas révélateur de Gemalto. Véritable «protecteur numérique des identités» (passeports biométriques, transactions bancaires, télécommunications 4G et 5G), l'entreprise cotée au CAC 40 capterait entre 60% et 80% du marché mondial de la carte à puces.

    Problème: le groupe issu du français Gemplus n'a plus grand-chose de tricolore. En 1999, le fonds américain Texas Pacific Group (TPG) - d'apparence anodine - tentait une première approche. Refoulé deux fois par le directeur général de Gemplus, il décidait alors de mener des négociations discrètes avec l'actionnaire minoritaire Marc Lassus, lequel accepta qu'il prenne 26% du capital. En contrepartie de l'investissement, TPG obtenait de déplacer le siège social au Luxembourg et de nommer la moitié du conseil d'administration. Dès 2001, les fondateurs de Gemplus comprenaient que la volonté des Américains était de transférer aux Etats-Unis les précieux brevets déposés dans la sécurité numérique. Une guerre d'actionnaires s'ensuivit, qui se termina par l'éviction des dirigeants historiques de Gemplus du conseil d'administration! En 2002, TPG plaçait à la tête du groupe français Alex Mandl, un haut responsable du géant américain des télécommunications AT&T. L'homme était également administrateur de In-Q-Tel, le fond de capital-risque crée par la CIA dix ans plus tôt pour capter les technologies les plus avancées… Il est encore aujourd'hui à la tête de l'entreprise.

    La guerre industrielle est-elle perdue? Non. Toutes les chaînes de production contenant du savoir-faire à haute valeur ajoutée n'ont pas été fermées, et le pays possède des écoles industrielles de pointe. «Les ingénieurs américains ne nous impressionnent pas du tout. Car nous avons en France les meilleurs ingénieurs du monde. Cela fait partie de notre culture», confiait récemment un cadre d'un important industriel de l'armement. Tout peut être construit en temps et en heure pour qui souhaite ne pas se placer dans la dépendance de l'ailleurs.

     


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  • Cette île formée par une éruption volcanique dans l'archipel des Tonga pourrait offrir des pistes pour comprendre le développement potentiel de la vie sur Mars.

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    Une terre du Pacifique aux allures de Mars ancienne. La plus jeune île au monde, apparue dans l'archipel des Tonga à la faveur d'une éruption volcanique il y a trois ans, pourrait offrir des pistes pour comprendre le développement potentiel de la vie sur Mars dans sa jeunesse, espère la Nasa. Officiellement nommée Hunga Tonga Hunga Ha'apai, la nouvelle île a émergé lors d'une éruption fin 2014 - début 2015 à environ 65 kilomètres au nord-ouest de Nuku'alofa, la capitale des Tonga. Un volcan sous-marin a expulsé d'énormes volumes de cendres et de roches pour créer un nouveau bout de terre bordée de falaises d'environ 120 mètres de haut.

    Les scientifiques avaient initialement anticipé que cette île disparaîtrait en quelques mois. Des îles volcaniques similaires s'érodent généralement en quelques mois. Mais l'île, qui mesurait initialement un kilomètre de large sur deux de long, a beaucoup mieux résisté que prévu, peut-être grâce à la consolidation des débris volcaniques en une roche appelée tuf volcanique. Et une nouvelle étude de la Nasa, qui a observé en continu par satellite l'évolution physique de l'île depuis sa naissance, lui prête désormais une espérance de vie entre six et trente ans.

    «Ce genre d'île aurait pu exister sur Mars»

    Pour Jim Garvin, chercheur à la Nasa, il y a là une opportunité très rare d'étudier le cycle de la vie sur les nouvelles îles. Il a relevé que la planète Mars possédait de nombreuses anciennes îles volcaniques similaires qui étaient vraisemblablement entourées d'eau au moment de leur apparition. Le scientifique explique que ces anciennes îles volcaniques sont des lieux particulièrement intéressants quand il s'agit de rechercher des traces de vie passées car elles ont pu être un terreau fertile en ce qu'elles cumulaient chaleur et humidité.

    Observer comment la vie colonise Hunga Tonga Hunga Ha'apai peut, par conséquent, aider les scientifiques à comprendre où chercher sur Mars des traces de vie, insiste Jim Garvin. «Ce genre d'île pourrait avoir existé sur Mars il y a deux où trois milliards d'années, des lacs et des petites mers comblant les dépressions, des plans d'eau persistants», a-t-il détaillé.

    L'île islandaise de Surtsey, née de cette façon en 1963, a été le premier cas étudié. Depuis, seules quelques îles volcaniques ont vu le jour à travers le monde, mais aucune n'a été si intensément photographiée et étudiée que Hunga Tonga Hunga Ha'apai. Les images satellites révèlent un paysage en mouvement. En avril 2015, les courants océaniques s'étaient infiltrés dans le lac qui s'est formé dans le cratère interne de l'île, accélérant la retraite des falaises. Le mois suivant, une barre de sable s'est formée. Pendant ce temps, un pont terrestre a commencé à se former entre l'île et son voisin oriental.

    L'espérance de vie de l'île demeure toujours le principal mystère. L'île islandaise de Surtsey a persisté pendant des décennies grâce à sa roche qui s'est durcie au fil du temps, ressemblant à un matériau semblable à du béton. Hunga Tonga Hunga Ha'apai n'aura peut-être pas les mêmes dispositions.  

     


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