• "Cantat, t'as du sang sur les mains !" Lundi 4 juin, il est 19h30 et devant la salle de concert Stereolux de Nantes (Loire-Atlantique), une douzaine de femmes s'époumonent pour crier leur colère contre la venue de l'ancien chanteur de Noir Désir. Certaines brandissent des portraits en noir et blanc de Marie Trintignant, morte sous les coups du chanteur le 1er août 2003, et de Krisztina Rady, son ancienne compagne, découverte pendue à son domicile en janvier 2010. Mi-gêné, mi-blasé, le public passe devant les manifestantes, maintenues à distance de l'entrée par la police.

     

    Quelques manifestantes devant la salle Stereolux, à Nantes (Loire-Atlantique), contre le concert de Bertrand Cantat, lundi 4 juin 2018.Quelques manifestantes devant la salle Stereolux, à Nantes (Loire-Atlantique), contre le concert de Bertrand Cantat, lundi 4 juin 2018.

     

    Depuis les débuts de sa tournée le 1er mars 2018, pour la sortie de son nouvel album Amor Fati, un comité d'accueil souvent virulent attend l'ancienne star de Noir Désir avant chacune de ses représentations. Jeudi 7 juin, pour sa dernière date au Zénith de Paris, l'association Osez le féminisme appelle de nouveau à manifester "contre cette tournée qui méprise toutes les femmes victimes de violences". Bertrand Cantat, icône du rock français à la fin des années 1980 et dans les années 1990, n'est définitivement pas un artiste ordinaire.

    Depuis sa libération conditionnelle en 2007 pour l'homicide de sa compagne Marie Trintignant en août 2003, il tente progressivement de revenir à des projets artistiques. Chaque fois, il se heurte à de vives contestations. Mais cette tournée hexagonale se révèle particulièrement chaotique, à tel point que, sous la pression publique et médiatique, certaines salles ont fait le choix de le déprogrammer, quand ce n'est pas Cantat qui s'est, de lui-même, retiré de nombreuses dates. 

    Un climat plus tendu que lors de sa précédente tournée 

    "Par rapport à la tournée de 2014, le climat s'est incroyablement tendu. Il ne s'était rien passé. Ce qu'a fait Cantat n'était pas moins grave il y a quatre ans qu'aujourd’hui. Pourtant, c'est maintenant que ça monte" constate Eric Boistard, directeur du Stereolux, rencontré par franceinfo. A l'époque, pour son retour sur scène, le rockeur s'était fait relativement discret. Pour minimiser la polémique, il s'était effacé derrière les couleurs de son groupe, Détroit, qu'il formait avec son actuel bassiste, Pascal Humbert.

    Cette année, Bertrand Cantat assume la promotion de son premier album solo en son nom propre et n'a pas cherché à se cacher, comme en témoigne la une polémique des Inrocks du 11 octobre 2017. Le torrent de critiques qui s'est abattu sur l'hebdomadaire, relayé par la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, laissait déjà augurer une vive opposition à sa réapparition publique et artistique. 

    Cette opposition au responsable de la mort de Marie Trintignant est d'autant plus forte qu'elle est alimentée par la libération de la parole, dans le sillage de l'affaire Harvey Weinstein. Le numéro des Inrocks est d'ailleurs sorti six jours après les premières révélations du New York Times sur les agressions sexuelles commises par le réalisateur.  

     

    Il y a une maturité du débat public sur la question des violences faites aux femmes. Les affaires DSK et Baupin ont vraiment marqué les mentalités. Voir l'auteur d'un féminicide monter sur scène paraît beaucoup plus difficile à accepter.Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d'Osez le féminismeà franceinfo

    La tournée du chanteur de 54 ans a également été fortement perturbée par de nouvelles révélations sur le suicide de Krisztina Rady, et notamment relancée par le témoignage anonyme d'un membre de Noir Désir, publié dans Le Point (article payant) en novembre 2017. L'enquête vient d'être réouverte par la justice, à la demande de Yael Mellul, avocate, détentrice de "nouveaux éléments" à charge contre Bertrand Cantat. 

    C'est dans ce contexte tendu qu'a débuté sa tournée le 1er mars à la Rochelle (Charente-Maritime). Rapidement, de vives oppositions se sont organisées contre le chanteur. 

     

    "Le public était choqué d'être aussi malmené" 

     

    Lundi 4 juin, à quelques heures du concert de l'icône contestée, Eric Boistard ne cache pas sa fébrilité : "Mon objectif, c'est que tout se passe bien ce soir, pour les spectateurs comme pour ceux qui voudraient manifester. J'espère vraiment qu'il n'y aura pas d'affrontements physiques". A l'entrée du Stereolux, le dispositif de sécurité a été renforcé pour l'occasion et les spectateurs doivent se plier à une fouille corporelle.

    Pour les directeurs de salle, la tournée de Bertrand Cantat s'est révélée particulièrement stressante. Rares sont les dates où il n'y a pas eu de manifestations, plus ou moins denses, à l'appel de plusieurs collectifs féministes. Mardi 13 mars, devant la salle de La Belle Electrique, à Grenoble, les choses ont bien failli dégénérer lorsque Bertrand Cantat est sorti à la rencontre des manifestants. "Venu parler aux provocateurs" selon ses propres mots, il a attisé l'énervement de la foule et récolté insultes et crachats. Un technicien de la tournée nous a confié avoir été surpris de cette initiative du chanteur : "Ce n'était peut-être pas la meilleure idée qu'il ait eu".

    Frédéric Lapierre, le directeur de la salle, est encore marqué par la violence des réactions. Il se souvient avoir compté une grosse centaine de manifestants le premier soir et une trentaine le lendemain, pour le concert du 14 mars : "L'ambiance sur les deux dates était très particulière, parce qu'elles se sont déroulées à un moment central du buzz médiatique."

     

    Le public était choqué d'être aussi malmené et parfois même insulté. Les spectateurs étaient vraiment fébriles une fois rentrés : ils ne s'attendaient pas à se faire autant interpeller.Frédéric Lapierre, directeur de La Belle Electriqueà franceinfo

    Stéphane Al-Mallak, directeur du Rockstore de Montpellier (Hérault), où s'est produit le chanteur le 12 mars, s'estime chanceux : "Pour nous, ça s'est relativement bien passé : il n'y avait qu'une trentaine de manifestants et presque autant de journalistes" souligne-t-il à franceinfo, un brin agacé. "On a remarqué avec l'équipe que les manifestants interpellaient surtout les femmes qui venaient voir Bertrand : ils devaient trouver ça choquant qu'elles ne se sentent pas plus concernées par ce qu'il a fait".

    Pour éviter les remous devant les salles de concert, la promotion de l'album, comme celle de la tournée, a été quasiment réduite à néant. 

     

    "On n’a pas collé d’affiches, on n’a pas fait de flyers" 

     

    Quand on arrive au Stereolux, difficile de savoir que Bertrand Cantat va jouer le soir même : son nom n'est visible nulle part sur la signalétique de la salle nantaise. Et pour cause : consigne a été donnée par le tourneur, Uni-T Production, de rester le plus discret possible sur la tournée. "Dans l'histoire du Stereolux, c'est le spectacle sur lequel on a le moins communiqué. On n'a pas collé d'affiches, on n'a pas fait de flyers, on a fait le minimum syndical. Si vous cherchez sur le net, vous allez trouver très peu de choses" explique Eric Boistard, le directeur du lieu. 

     

    Il fallait qu'il y ait le moins de couverture médiatique pour éviter toute agitation le jour J.Eric Boistardà franceinfo

     

    Même mode d'action (ou d'inaction) du côté de La Belle Electrique : "On n'a répondu à aucun média" explique Frédéric Lapierre, le directeur de la salle. Malgré ces précautions, les images de l'ex-star de Noir Désir se faisant cracher dessus par les manifestants lors de sa première date à Grenoble font le tour des réseaux sociaux. "Le deuxième soir, on s'est retrouvés avec je ne sais pas combien de télés et de presse : ils devaient espérer de nouveaux débordements" se souvient Frédéric Lapierre, un peu irrité. 

    Etonnamment, malgré cette communication a minima, le chanteur a fait salle comble presque partout où il a été programmé. Mais les ventes de l'album se révèlent plutôt décevantes. D'après un article du Monde publié début mars 2018, Amor Fati plafonnait alors à 35 000 exemplaires vendus, contre 150 000 pour le premier album de Détroit. "Il n'y a pas de promotion de l'album, on entend dire à longueur de journée qu'il ne faut pas acheter ses disques sous peine de cautionner les violences faites aux femmes… C'est un amalgame." explique Sébastien Pernice, le manageur du chanteur, au quotidien. 

    Malgré cette quasi-absence de promotion, la fronde anti-Cantat a continué de s'amplifier. Les pétitions se sont multipliées, comme celle des "Féministes grenobloises", qui enjoignait le maire de Grenoble, Eric Piolle, de faire annuler les concerts. Si ce dernier a fait le choix de ne pas intervenir sur le sujet, certains élus et programmateurs de salles ont rapidement pris position sur le cas Cantat. 

     

    Annulations en série et accusations de censure 

     

    Devant l'ampleur des critiques, certains festivals ont reçu des pressions publiques. Dès janvier 2018, le maire PS de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) David Samzun, a fait connaître dans un communiqué sa "très vive désapprobation" concernant la venue du chanteur au festival Les Escales, fin juillet. Quant au festival normand Les Papillons de nuit, qui devait accueillir Bertrand Cantat le 18 mai, il s'est vu retirer son enveloppe de 34 000 euros du Conseil départemental à cause de la venue du chanteur. Déjà, une lettre ouverte publiée le 5 mars, qui avait notamment été signée par la ministre de la Culture Françoise Nyssen, demandait le retrait du chanteur de l'affiche du festival. Malgré cela, les programmateurs sont restés fermes : "Nous considérons que notre seul critère de choix doit être celui de l'artistique, qui détermine tout le projet associatif que nous défendons" expliquait fin février l''association Roc en Baie, organisatrice des Papillons de Nuit. 

    Mais certaines salles ont préféré éviter les remous en annulant purement et simplement la venue du chanteur. C'est le cas de l'Usine à Istres (Bouches-du-Rhône) mais surtout de l'Olympia, qui devait être le point d'orgue de la tournée, les 29 et 30 mai. La mythique salle parisienne invoque "des risques sérieux de trouble à l'ordre public". Pour Raphaëlle Rémy-Leleu, cette annulation est une victoire : "C'était insupportable d'imaginer le nom de Cantat en grandes lettres rouges sur l'Olympia. Il faut imaginer ce que ça aurait représenté pour les femmes battues ou qui ont subi une agression : elles auraient vu l'auteur d'un féminicide hissé sur la façade de l'une des salles les plus prestigieuses de France" explique la porte-parole d'Osez le féminisme à franceinfo. 

    Mais l'épisode laisse un goût amer à de nombreux programmateurs. Les Papillons de Nuit ont décliné notre demande d'interview dans un mail, avec cette explication : "Cette polémique a été très brutale pour l'équipe et nous ne voulons pas non plus relancer la machine"

    Comme Bertrand Cantat, qui crie à la censure après l'annulation de son concert à Istres, des directeurs de salle voient dans ces pressions extérieures une forme de musellement du monde culturel. Du côté du Stereolux, Eric Boistard n'y va pas par quatre chemins : "Je pense que le maire de Saint-Nazaire est sorti de son rôle en prenant position". 

     

    Je peux comprendre que des personnes soient choquées par ce que Cantat a fait. Mais ce n'est pas envisageable qu'une annulation soit décidée à la demande d'un groupe social ou d'une entreprise privée.Eric Boistard, directeur du Stereoluxà franceinfo

    A la Belle Electrique, Frédéric Lapierre assure n'avoir reçu "aucune pression" et précise qu'il n'y aurait "cédé en aucun cas""La polémique autour de la tournée nous a encore plus donné envie de nous accrocher et de maintenir les dates, au nom de notre liberté artistique".  

    Malgré lui, l'interprète de L'Homme pressé est rapidement devenu un emblème de la lutte pour la liberté d'expression. Il divise fortement mais continue d'être porté aux nues par un public de fans de la première heure. 

     

    Du côté des équipes techniques, comme du public : une tournée (presque) comme les autres 

    Lundi soir au Stereolux, Karine, la cinquantaine, trépigne d'impatience dans la file d'attente : "C'est la cinquantième fois que je viens voir Bertrand mais aujourd'hui c'est une première, j'emmène ma mère de 80 ans et ma fille de 8 ans !"  Initialement prévues début mai, les deux dates nantaises ont été reportées pour cause de lumbago de Bertrand Cantat. Mais il en fallait plus pour décourager les nostalgiques de "Noir Dés'" : les deux concerts affichent quasiment complet. 

     

    La file d\'attente des spectateurs devant le Stereolux à Nantes (Loire-Atlantique), lundi 4 juin 2018. La file d'attente des spectateurs devant le Stereolux à Nantes (Loire-Atlantique), lundi 4 juin 2018.

     

     

    La plupart des spectateurs se montrent compréhensifs vis-à-vis des manifestations à l'entrée, même si certains sont un peu agacés : "Ça va carrément trop loin, bientôt on va lui reprocher d'être vivant !" s'énerve Julie, grande brune d'une trentaine d'années, une fleur rouge dans les cheveux. 

    Dans le coin fumeurs qui jouxte la salle, l'excitation monte et les pronostics fusent sur le déroulé de la soirée. Entre les pintes et les hot dogs, personne n'aborde "le drame", un peu tabou parmi les aficionados de "Bertrand". La plupart des spectateurs ont de toute façon déjà tranché sur le sujet : "Il a purgé sa peine et beaucoup d'artistes n'ont pas, eux non plus, un passé très reluisant" estime Nicolas, 58 ans, venu avec son épouse. A voir leurs mines réjouies, on oublierait presque les slogans féministes scandés à l'entrée. 

    Pour Eddy Josse, ingénieur du son sur toutes les dates, même son de cloche : "C'est une des plus belles expériences de tournée que j'aie pu faire" affirme-t-il à franceinfo. "Les annulations se sont gérées avec le tourneur, très simplement. Les deux Olympia ont été remplacés par un Zénith, alors on ne perd pas trop au change : c'est une très belle salle" constate-t-il. 

    A la sortie du concert, les avis sont quasi unanimes : "C'était incroyable, magique, un de mes plus beaux concerts, j'ai pas de mots, lance Alexandra, qui rêvait de voir le chanteur sur scène depuis des années. C'était aussi une forme de soutien d'être là, avec lui"

    Venus de Rennes, Viriginie et Xavier semblent tout de même un peu gênés : "On aime l'artiste. Mais on n'a pas apprécié qu'il fasse référence à son actualité entre deux chansons. Quand il dit 'courage les amis, tout n'est pas perdu' ou ironiquement 'dans ce pays où la bienveillance règne', on trouve ça too much. Il aurait dû faire preuve d'un peu plus de réserve à notre goût".


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  • Les députés européens viennent d'infliger un camouflet au chef de l'Etat en refusant la désignation de sa candidate à la commission de Bruxelles. Mais c'est toute la diplomatie du président qui est à la peine en dépit de son audace.

    Les députés de Strasbourg ont sèchement collé (82 voix contre 29) la candidate d'Emmanuel Macron, Sylvie Goulard© Marion - Rsn Network

    " Les députés de Strasbourg ont sèchement collé (82 voix contre 29) la candidate d'Emmanuel Macron, Sylvie Goulard "

    Emmanuel Macron illustre aujourd'hui mieux que quiconque, en tout cas en France, la célèbre fortune latine de Virgile : "Fortes fortuna juvat" (la fortune sourit aux audacieux). Audacieux, le chef de l'Etat l'a été dans sa conquête éclair du pouvoir comme nul autre avant lui sous la Ve République. Fort de cette victoire spectaculaire, dès son installation à l'Elysée il a fait de la hardiesse la marque de son quinquennat aussi bien en politique intérieure que sur la scène internationale, multipliant les projets de réforme dans l'Hexagone et les initiatives sur la scène internationale. Alors qu'il approche de la mi-mandat, se profilent les premiers bilans et l'examen critique de cette méthode bâtie sur la vaillance, l'aplomb et le culot.

    On sait ce qu'il en est en politique intérieure. A vouloir aller vite et fort, le président a fini par heurter une large partie du pays et provoquer cette révolte des gilets jaunes qu'il n'a pas vu venir faute de bien connaître les méandres de la société française. Son audace s'est ainsi fracassée sur la réalité. Résultat, une paralysie du pouvoir pendant six mois, des milliards envolés, un élan soudain brisé et la découverte de cette autre leçon signée Jean de La Fontaine dans la fable Le Lion et le Rat : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».

    Certes, sa volonté réformatrice est toujours là mais le voici, dans un acte 2 du quinquennat, promu comme une marque de lessive, contraint de ronger son frein, de prendre son temps, de concerter, d'écouter, de dialoguer, en particulier sur la périlleuse réforme des retraites. Sans doute sa nature profonde n'a-t-elle pas changé et ses convictions sont-elles peu entamées par les épreuves, mais il a découvert la force de la réalité, le poids des héritages, la puissance des peurs et choisi une posture plus prudente - sans être modeste - pour transformer la France. Ses certitudes demeurent, les chemins pour les imposer deviennent en revanche difficiles et tortueux. Emmanuel Macron n'est plus le prince charmant sûr de réveiller la belle France endormie. Il doit apprendre la patience, le compromis, voire le renoncement.

    Le chef de l'Etat a bondi avec le même allant sur la scène diplomatique dès son installation dans le Palais de l'Elysée. Il jetait alors sur la planète le même regard que sur l'Hexagone et pensait y interpréter la même partition : un vieux monde était en voie de disparition et il serait le chef de file incontesté de celui en train de naître. Il entendait devenir le patron de l'Europe et son modernisateur, il fustigeait la Pologne et la Hongrie et s'en prenait aussi bien à leur atteintes aux valeurs démocratiques qu'à leur politique migratoire, il pensait peser sur les décisions de l'imprévisible Donald Trump en le séduisant, il faisait la leçon à Vladimir Poutine pour lui imposer un nouveau rapport de force, il voulait s'emparer de la situation au Proche-Orient ou obtenir de Recep Tayyip Erdogan le respect de l'état de droit en Turquie, il s'installait en chef d'état-major de la lutte contre le réchauffement climatique, etc. Son ambition était à la fois claire, tous azimuts et élevée : « Mettre la France au cœur du jeu diplomatique mondial » au moment où l'ordre international est bouleversé et que s'accélère la fin de l'hégémonie occidentale sur fond de crise écologique planétaire.

    Rejet de Sylvie Goulard : un échec cinglant

    Qu'en est-il vraiment après bientôt mille jours de pouvoir ? Il y a eu certes beaucoup de discours, brillants et emplis de promesses, des coups d'éclat comme au G7 de Biarritz du 24 au 26 août dernier pour parvenir à renouer le dialogue entre les Etats-Unis et l'Iran, mais, au fond, bien peu de résultats. Le chef de l'Etat en a convenu lui-même à demi-mots le 27 août lors de la conférence des ambassadeurs et des ambassadrices réunie pour la troisième fois depuis son élection. Faisant soudain preuve d'une humilité inhabituelle chez lui, il reconnaissait devant cette assemblée : « Beaucoup de choses que nous prévoyions d'avancer rapidement il y a deux ans sont encore en chantier et beaucoup de choses d'il y a deux ans sont encore malheureusement valables. » De fait, Emmanuel Macron siège à la table des grands du monde mais il n'en pas devenu le chef d'orchestre en dépit de son énergie et de son audace. Il a cherché à déplacer bien des lignes mais, force est, hélas, de constater que, depuis deux ans, le désordre mondial et européen n'a cessé de s'aggraver.

    L'échec le plus cinglant et le plus visible est survenu la semaine dernière au Parlement européen. Après deux auditions, les députés de Strasbourg ont en effet sèchement collé (82 voix contre 29!) la candidate d'Emmanuel Macron, Sylvie Goulard, pour le très important poste de commissaire européen au marché intérieur, à l'industrie, la défense, l'espace, le numérique et la culture. Un revers pour le président, voire une humiliation, alors qu'il pensait avoir pris la main sur les institutions européennes depuis les élections du mois de mai dernier. Déjà, cependant, il n'avait pas réussi à imposer Nathalie Loiseau à la tête du groupe centriste au sein du Parlement européen, mais ce second échec est beaucoup plus cuisant. Emmanuel Macron en rejette la responsabilité sur les élus allemands, donc sur la chancelière Merkel, et sur la nouvelle présidente allemande de la Commission de Bruxelles Ursula von der Leyen, c'est ignorer cependant ses propres erreurs. Il a bataillé avec succès au printemps pour écarter de ce poste celui qui en était le candidat naturel selon la tradition, le chef de file du Parti Populaire Européen (PPE), l'Allemand de la CDU Manfred Weber. Une victoire à la Pyrrhus car ce parti vient de lui renvoyer méchamment la balle et lui montrer qu'il ne fait pas la pluie et le beau temps dans cette assemblée. Il est victime au passage de son déficit de culture parlementaire : à Paris, les députés de La République en Marche sont soumis à sa seule volonté ; à Strasbourg, la démocratie joue pleinement dans l'hémicycle et les élus n'obéissent pas au bon plaisir des chefs d'Etat.

    Beaucoup d'efforts pour des résultats à peine perceptibles

    Enfin, Emmanuel Macron a sous-estimé la diversité de ce Parlement et la culture des députés de l'Europe du Nord intraitables sur les questions de corruption. Or, en dépit de sa compétence reconnue et de ses très grandes qualités, la candidature de Sylvie Goulard ne correspondait pas aux critères d'une République exemplaire en raison de procédures en cours. La leçon est amère pour le chef de l'Etat qui, malgré son sincère engagement européen, voit son leadership non seulement contesté mais en recul. Sa hardiesse a été sanctionnée parce que, au fond, il s'est comporté sur le terrain européen comme s'il faisait de la politique française et défendait d'abord les seuls intérêts de Paris.

    Ce camouflet vient s'ajouter dans son bilan à sa difficulté à s'imposer dans la politique proche orientale alors que la France y est le pays européen le plus engagé. Tous ses efforts pour rouvrir un dialogue entre Washington et Téhéran se heurte à la fois au comportement erratique de Donald Trump mais aussi à sa stratégie : le président américain ne veut plus du multilatéralisme et entend conclure des ententes bilatérales au grès des intérêts de son pays. S'il trouve un accord de business solide avec l'Iran, il le conclura sur le dos de ses partenaires occidentaux. De la même manière, la voix de la France n'est gère entendue sur le front que Erdogan vient d'ouvrir en attaquant les Kurdes. Dans ce nouveau conflit, l'Alliance atlantique est au demeurant mise à mal : la Turquie en fait partie et place ses alliés en porte-à-faux. Bref, c'est l'OTAN qui, à son tour, est sous pression sans que la France, malgré ses déclarations, ne pèse sur le cours des événements.

     

    Que d'efforts pour des résultats à peine perceptibles voire invisibles ! Sauf à être aveuglé par lui-même, le chef de l'Etat est trop intelligent pour ne pas dresser ce constat. Il a beaucoup essayé et peu obtenu, voire cédé du terrain. On devine sa prise de conscience dans sa manière désormais plus modeste d'aborder ses interlocuteurs. Il ne leur fait plus la leçon, noue une dialogue différent avec eux et change de ton. On l'a constaté avec Poutine et encore le vendredi 10 octobre lors de sa rencontre avec le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban. Peut-être a-t-il dressé son propre bilan et compris que, sur la scène internationale, les réalités étaient aussi fortes voire plus fortes encore que sur la scène nationale. Ceux qui ne font rien ne se trompent jamais, Emmanuel Macron fait beaucoup mais c'est aussi en faisant des erreurs que l'on apprend. Le chef de l'Etat en est là en France et ailleurs. C'est son heure de vérité dont dépend la seconde partie de son quinquennat.


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  • L'armée idéologique de l'Iran, les "Gardiens de la Révolution", ont annoncé avoir arrêté un opposant au régime qui serait "dirigé par le renseignement français", selon eux, ce qui prouverait la "défaite des services de renseignement de l'ennemi".

    Le président iranien Hassan Rouhani lors d'une conférence de presse, le 13 octobre 2019© Marion - Rsn Network 

    " Le président iranien Hassan Rouhani lors d'une conférence de presse, le 13 octobre 2019 "

    Les Gardiens de la Révolution iraniens ont annoncé ce lundi l'arrestation par leur service de renseignement d'un opposant qui vivait en exil et qui était "dirigé", selon eux, "par le renseignement français". Rouhollah Zam, aujourd'hui détenu en Iran, a été arrêté au cours d'une "opération élaborée et professionnelle", écrit l'armée idéologique de la République islamique d'Iran dans un communiqué.

    Les Gardiens ne précisent ni le lieu ni la date de l'arrestation de Rouhollah Zam, qui aurait vécu en France ces dernières années. Il a dirigé un canal sur Telegram, intitulé Amadnews et fermé par cette plateforme de messagerie cryptée en 2018 à la demande des autorités iraniennes qui le jugeaient "contrerévolutionnaire". Ce canal a été accusé par Téhéran de jouer un rôle actif dans la contestation de l'hiver 2018-19, qualifiée par Téhéran de "sédition".

    En dépit du fait qu'il était "dirigé par le renseignement français et soutenu par ceux de l'Amérique et du régime sioniste" (Israël), Rouhollah Zam est "tombé dans un piège" qui lui avait été tendu, écrivent les Gardiens. Les agents chargés de le traquer sont parvenus à leurs fins "à l'aide de méthodes de renseignement modernes et en recourant à des tactiques astucieuses".

    Le communiqué estime qu'il s'agit d'une "grosse opération, qui montre la défaite des services de renseignement de l'ennemi et prouve que ceux-ci sont à la traîne par rapport à la puissance du service du renseignement" des Gardiens.


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  • En campagne pour sa réélection, Donald Trump a déclaré samedi que si la France et l'Allemagne ne rapatriaient pas leurs ressortissants qui ont combattu dans les rangs de Daesh, les États-Unis les laisseraient se diriger vers leurs "foutues frontières".

    Donald Trump au Values Voter Summit à Washington, le 12 octobre 2019.© Marion - Rsn Network

    " Donald Trump au Values Voter Summit à Washington, le 12 octobre 2019. "

    Moins d'une semaine après l'annonce du retrait des troupes américaines du nord de la Syrie, qui a été suivi par le lancement d'une offensive turque dans cette zone contre une milice kurde, Donald Trump a évoqué la question des jihadistes européens de Daesh.

    Le président américain s'exprimait samedi à Washington à la tribune du Values Voter Summit, comme l'a notamment repéré LCI. Une tribune dont il a profité - entre autres - pour justifier sa décision de retrait des troupes américaines du nord de la Syrie, estimant que les États-Unis ont "fait le boulot" en battant Daesh.

    "Nous n'allons pas les prendre"

    Mais le milliardaire ne s'en est pas tenu là, et a également exhorté les pays européens, citant nommément la France et l'Allemagne, à rapatrier les combattants de l'organisation terroriste ressortissants de leur pays. 

    "(Les combattants de Daesh) viennent d'Allemagne, ils viennent de France, ils viennent de nombreux autres pays d'Europe. Ce sont leurs citoyens. Je les ai appelés (les dirigeants européens, ndlr), et j'ai dit: 'Vous devez rapatrier vos combattants. Ils ont dit non, nous ne voulons pas. Alors je leur ai dit: 'Vous ne comprenez pas, nous n'allons pas les prendre, nous ne voulons pas d'eux, nous n'allons pas les enfermer à Guantanamo ou dans nos prisons américaines. Ils viennent de France, ils viennent d'Allemagne. Dans beaucoup de cas ils sont citoyens. Je les ai rappelés et dit: 'Vous devez les reprendre ou nous allons les laisser se diriger vers vos foutues frontières'."

    Dimanche, les autorités kurdes ont annoncé la fuite de près de 800 proches de jihadistes étrangers de Daesh. Ils se trouvaient jusque-là dans un camp de déplacés du nord de la Syrie, non loin des zones de combats entre les Kurdes et les forces turques.

    Selon des informations de Libération publiées en avril dernier, le gouvernement français avait préparé le rapatriement de jihadistes français se trouvant dans le Kurdistan syrien, mais n'aurait jamais lancé l'opération en raison de la forte hostilité de l'opinion publique.


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    Un amour impossible ...

     


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