• Procès de Jawad Bendaoud

    Illustration de l’audience de vendredi 26 janvier au Palais de justice de Paris de Jawad Bendaoud. © RSN  Network  Janvier  2018

    "Illustration de l’audience de vendredi 26 janvier au Palais de justice de Paris de Jawad Bendaoud".

    Dans une ambiance tendue, l’homme qui a hébergé deux des terroristes du 13-Novembre, a été questionné par les parties civiles.

    L’ambiance s’est singulièrement tendue, vendredi 26 janvier, au troisième jour du procès de Jawad Bendaoud, l’homme qui a hébergé deux des terroristes survivants des tueries du 13 novembre 2015. C’était au tour des parties civiles d’interroger les trois prévenus – les parties civiles, les familles des victimes pour l’essentiel, sont 500, leurs avocats 80, mais ils se sont résignés à ce qu’une vingtaine d’entre eux seulement interviennent. En vain, jusqu’ici. Les avocats s’ingénient à poser des questions interminables, en précisant naturellement que « la question est simple », et s’attirent en retour un torrent de paroles de Jawad Bendaoud, qui répond à côté et répète en boucle qu’il ne savait simplement pas que les deux hommes qu’il devait loger pendant trois jours étaient des terroristes. Personne, pour l’heure, n’est parvenu à prouver le contraire.

    Jawad Bendaoud agace et fait rire, même si le procès ne s’y prête guère, mais c’est assurément un personnage – un personnage de stand-up. Un bagout incroyable, un sens certain de la formule, et un débit comparable à celui de la Seine ces jours derniers.

     

    « On va s’expliquer d’homme à homme »

     

    La passe d’armes avec Me Georges Holleaux a été la plus sévère. L’avocat a cru habile de l’amadouer en lui disant qu’il lui semblait être un homme « énergique, pas violent, intelligent, qui semble avoir du cran » : Jawad Bendaoud l’a laissé venir. Puis Me Holleaux l’a longuement interrogé sur ses rapports avec ses enfants, avec qui il n’habite pas vraiment. Il en a deux, Adam, 8 ans, la prunelle de ses yeux, et la fille de sa compagne, qu’il considère comme sa fille.

    « Je n’ai aucun problème avec mes enfants, je les emmène au McDo, je leur achète des glaces,

    s’est lancé le jeune homme,

    Je leur achète des vêtements, il y a pas un jour où je leur achète pas leurs Granola, leurs Pepito… Ma fille elle veut des Curly, elle les a tous les jours. »

    Il s’est interrompu d’un coup. « Vous êtes un voleur de mobylette ! Vous essayez de dire quoi ? Parce que moi, je vais venir vous voir au cabinet, on va s’expliquer d’homme à homme… »

    Me Mehana Mouhou, autre avocat des parties civiles, a jugé utile de tempêter contre « ces menaces », la présidente, Isabelle Prévost-Desprez, qui tient à préserver le fragile équilibre de l’audience, a suspendu une heure les débats, et s’est levée en marmonnant, « maintenant ce sont les avocats qui font n’importe quoi », et elle a convoqué Me Mouhou pour lui expliquer qui dirigeait l’audience.

    L’histoire de la mobylette est une obscure allusion aux déclarations d’un avocat à la télé : Jawad Bendaoud est à l’isolement depuis vingt-sept mois, et n’est pas descendu en promenade depuis le 6 novembre 2016, soit quatorze mois. Il passe ses journées et une partie de ses nuits devant BFM-TV ou i-Télé. Avec une haute opinion des journalistes. « Ils sont bizarres, je comprends pourquoi Macron il laisse les journalistes sur le paillasson quand il va visiter une usine. » Il a fini par s’excuser, Me Holleaux a assuré qu’il n’avait jamais fait de mobylette et l’affaire en est restée là.

    Jawad Bendaoud en a profité pour faire amende honorable auprès de la présidente, à qui il avait dit la veille qu’elle ne l’impressionnait pas. « J’ai pas voulu vous manquer de respect. Tranquille, madame, y a rien entre nous. »« Je confirme, a souri la présidente, il n’y a rien entre nous. » En gage de bonne volonté, elle a accepté de baisser la haute vitre du box des prévenus de 20 cm, pour que les avocats puissent parler à leurs clients à hauteur d’homme.

     

    « Je suis fini ! Qui va m’embaucher ? »

     

    Mais Jawad Bendaoud a montré du doigt les avocats, et dit, « lui là, et lui et lui… c’est fini, je réponds pas. Finish. Droit au silence. » Ilen est bien incapable. Et son droit au silence consiste à parler autant, mais assis, en distribuant quelques gracieusetés. À Me Holleaux : « Essayez pas de bidouiller la salle. Il prend les gens pour des cons, c’est quoi ce délire ? ! »« Vous cherchez quoi ? On a l’impression que vous êtes perché sur un arbre et qu’on va avoir du mal à vous faire redescendre. On dirait que vous êtes atteint psychologiquement. » Youssef Aït Boulahcen, accusé seulement de non-dénonciation de crime, met ses mains sur les oreilles et a le teint de plus en plus gris.

    Sur le fond, le débat n’avance guère. Jawad Bendaoud se répète, « je refais la scène, même à 80 ans avec Alzheimer, j’aurais pas oublié » ; se lamente, avec des métaphores choisies – « y a des gens à ma place, ils se seraient coupé les testicules, les auraient mis dans une barquette et ils auraient dit “tiens mes couilles” ». Mais il reste sur ses positions : « Moi j’aurais préféré être dans la place de celui qui dénonce les terroristes que celle de celui qui prend 50 euros et se fait lyncher partout ».

    Il a d’ailleurs des arguments sérieux : « Pourquoi je vais mentir ? Je suis fini ! Que je sorte ou pas, je suis fini. Qui va m’embaucher ? J’avais le projet de faire un nouveau point de vente de cocaïne. Qui va s’associer avec moi maintenant ? » Suite des débats lundi.

     


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